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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

M. Grévy, essaya de protester encore et demanda l’ajournement au nom de la justice, en démontrant jusqu’à l’évidence que le temps avait manqué pour examiner les documents fournis par l’enquête. D’ailleurs, ajoutait M. Grévy, à côté des documents de l’enquête, il y avait aussi les documents apportés par les prévenus, qu’il était d’autant plus nécessaire d’examiner que la commission avait violé toutes les formes judiciaires, en ne confrontant pas les accusés avec les témoins, en n’articulant devant eux aucun des faits produits à leur charge. « Au-dessus des intérêts momentanés de la politique qui pouvaient faire désirer au pouvoir de presser la solution, disait M. Grévy, n’y avait-il pas les intérêts éternels de la justice qu’une grande assemblée ne devait pas sacrifier ? »

Mais ces considérations d’un esprit élevé et indépendant venaient trop tard. L’Assemblée était décidée. Sur 785 votants, 493, après avoir prononcé l’urgence, livrèrent MM. Louis Blanc et Caussidière à la justice.

Si la majorité républicaine n’avait pas trouvé dans sa conscience la condamnation de ce vote impolitique, elle n’aurait pas tardé à reconnaître l’étendue de sa faute à la joie extrême qu’en ressentit la minorité dynastique. Bien que le gouvernement eût favorisé l’évasion de MM. Louis Blanc et Caussidière et les eût ainsi soustraits aux rancunes de leurs ennemis, le triomphe des adversaires de la révolution n’en était pas moins complet. Du moment qu’ils avaient réussi à diviser les républicains, à compromettre le général Cavaignac et à lui arracher un gage de cette nature, ils ne devaient plus rencontrer d’obstacles insurmontables.

Le parti de l’ordre, comme on l’appelait alors, devait ce succès décisif à l’habileté de son chef, M. Thiers. Aussi longtemps que ce parti n’avait eu pour le conduire que la volonté indécise de M. Odilon Barrot et pour le représenter que les noms impopulaires de MM. de Falloux et de Montalembert, il avait fait peu de progrès dans l’Assem-