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HISTOIRE

ture de M. Raspail ; un grand nombre, sur l’avis de M. Proudhon, décidèrent de s’abstenir.

Alors toute illusion se dissipa et l’on vit avec une évidence à laquelle les esprits les plus obstinés furent forcés de se rendre que deux candidatures restaient seules debout : celle du général Cavaignac et celle du prince Louis-Napoléon Bonaparte.

Le premier de ces candidats avait pour lui des forces considérables. Son caractère bien connu, sa probité politique, sa moralité, son courage, l’immense service qu’il venait de rendre à la cause de l’ordre, lui assuraient les suffrages de la bourgeoisie de Paris, du clergé, de la noblesse légitimiste de province, de tous les hommes intelligents et honnêtes que l’esprit de parti n’aveuglait pas ; il avait pour lui l’administration, les officiers de l’armée de terre et de mer. Le second n’apportait que son nom ; mais déjà on pouvait voir de quel poids énorme ce nom allait peser sur le pays, puisque, même au sein d’une Assemblée hostile, il exerçait une pression à laquelle elle cherchait vainement à se soustraire.

Amené à l’Assemblée par cinq départements, le 17 septembre, en compagnie de MM. Fould et Raspail, le prince Louis-Napoléon, jugeant sa position suffisamment fortifiée par cette élection quintuple, avait déclaré cette fois qu’il estimait de son devoir de ne pas résister au vœu des électeurs. Une curiosité extrême avait accueilli son entrée à la Chambre. À la vérité, les premières paroles qu’il avait lues, d’un accent étranger, à la tribune, son attitude empruntée, n’y avaient produit qu’une impression très-peu favorable et ne donnaient de sa capacité que la plus médiocre opinion ; son silence, son abstention dans tous les votes significatifs, étaient bientôt devenus un sujet de raillerie ; mais pourtant je ne sais quelle inquiétude s’attachait à tous ses mouvements. L’émotion que sa présence causait dans Paris et dans l’armée semblait de mauvais augure ; tout en votant, par une certaine nécessité rationnelle, l’abrogation