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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

déjà réduites, car il n’expose aucun plan général de réforme industrielle et il se borne à proposer des palliatifs momentanés à la misère des ouvriers, tels que la création de cités ouvrières et la suppression du travail dans les prisons. Le langage de M. Louis Blanc aux ouvriers se ressent aussi de ce découragement intérieur. Il insiste de jour en jour davantage sur le danger de la précipitation ; sur la nécessité de méditer profondément les problèmes ; sur la patience et la prudence qu’il convient d’apporter dans les délibérations ; sur l’impossibilité d’aucune réalisation immédiate ; il reporte constamment la pensée de ses auditeurs sur la prochaine convocation de l’Assemblée nationale et, pour remplir les heures de séance, il use amplement des moyens oratoires que M. de Lamartine employait à l’Hôtel de Ville, en recommençant à tout propos le récit épique de la révolution et le tableau des grandes choses accomplies par le peuple.

La réunion générale des délégués ouvriers, légalement constitués au nombre de quatre cents, et la réunion des délégués des patrons qui se fit le 17 mars, dans laquelle ceux-ci témoignèrent de nouveau les dispositions les plus conciliantes, n’eurent d’autre effet sur l’esprit de M. Louis Blanc que de lui montrer avec plus d’évidence combien son rôle allait s’amoindrissant et combien il lui importait d’occuper d’une autre manière l’activité des hommes que son éloquence captivait encore, il est vrai, mais qu’elle ne pourrait longtemps abuser sur le peu de fruit qu’on en devait attendre.

Désabusé lui-même de l’utilité de ces assemblées nombreuses, où la multiplicité des intérêts particuliers fait à chaque instant perdre de vue l’intérêt général, M. Louis Blanc fit élire un comité de vingt membres[1] qui devait rester en permanence au Luxembourg pour élaborer les questions, et les soumettre, lorsqu’elles auraient été suffisam-

  1. Ce comité était composé de dix ouvriers et de dix délégués des patrons.