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HISTOIRE

cida de faire embarquer une brigade de 3,500 hommes sur quatre frégates à vapeur pour protéger la retraite du pape, et, sur l’avis reçu par dépêche télégraphique de Marseille et communiqué à l’Assemblée par le chef du pouvoir exécutif en personne, le ministre de l’instruction publique partit de Paris afin de se trouver au débarquement du saint-père et de le recevoir avec tous les honneurs qui lui étaient dus.

Mais tout d’un coup la nouvelle se répand et se vérifie que le pape a joué le gouvernement français ; que, loin de songer à demander un asile à la République, Pie IX s’est rendu à la cour du roi de Naples, d’où il annule tous les actes de son gouvernement à partir du 16 novembre, c’est-à-dire toutes les concessions faites à l’opinion libérale et au parti laïque.

Un pareil dénoûment à une négociation diplomatique à laquelle le gouvernement avait évidemment attaché une grande importance touchait au ridicule. Les adversaires du général Cavaignac saisirent avec empressement cette occasion de l’attaquer par l’épigramme. Depuis quelque temps les hostilités de la presse dynastique redoublaient. Des calomnies politiques on en venait à des calomnies toutes personnelles, dont l’effet était plus certain encore sur le vulgaire ; le Constitutionnel et l’Assemblée nationale unissaient leurs efforts pour ruiner dans l’opinion le chef du pouvoir exécutif. Le rédacteur en chef de la Presse ne laissait plus passer un seul jour sans attaquer le général Cavaignac, soit dans son propre honneur, en l’accusant d’avoir favorisé l’insurrection de juin, afin de se frayer une voie sanglante à la dictature[1], soit dans l’honneur de son père, dont on chargeait la mémoire de crimes odieux.

  1. Pour se convaincre de la fausseté de ces accusations, il suffirait, à défaut d’autres preuves, de lire, au volume VII de l’Encyclopédie moderne, l’article Juin, dont j’extrais le passage le plus important, tiré des mémoires de M. Bastide. (Voir aux Documents historiques, à la fin du volume, no 21.)