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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

ment provisoire auxquelles il assistait de moins en moins, ne suffisaient point à occuper l’activité de son esprit. Les élections de la garde nationale qui se préparaient et la convocation prochaine des réunions électorales pour l’Assemblée constituante éveillaient en lui de vives appréhensions. Il sentait confusément la bourgeoisie passer de la première stupeur à la réflexion. De la réflexion au concert, il n’y avait pas loin ; si elle arrivait à se concerter, c’en était fait, selon toute apparence, de la prépondérance du prolétariat. Il importait donc que le prolétariat se coalisât fortement pour opposer aux habiletés de la bourgeoisie une action politique bien combinée.

Ce fut là l’objet des conférences particulières et confidentielles qui se tenaient au Luxembourg en dehors des séances à demi officielles de la commission des travailleurs. Là ne furent admis que des hommes absolument dévoués à M. Louis Blanc et disposés à recevoir de lui le programme de leur conduite politique. Ces hommes, choisis par les ouvriers comme les plus capables et les plus énergiques d’entre eux, exerçaient sur le peuple de Paris une influence considérable ; ils connaissaient avec exactitude ses dispositions morales, ses ressources matérielles ; ils pouvaient se rendre compte, jour par jour, des plus légères variations de l’opinion populaire. Par eux, M. Louis Blanc, qui n’avait aucun rapport direct ni avec les clubs, ni avec aucune police, pas plus celle de M. Caussidière que celle de M. Sobrier ou celle de M. Ledru-Rollin, restait cependant en contact avec le cœur de la population ouvrière et comptait en quelque sorte les battements de ce cœur agité. Au moment dont je parle, la fièvre populaire excitée par les clubs correspondait avec les vues intimes de M. Louis Blanc. Le jacobinisme, qui dominait dans l’entourage du ministre de l’intérieur, avait réveillé par des paroles provocantes les susceptibilités de la bourgeoisie. Voyant qu’elle pourrait bien prendre sa revanche dans l’urne électorale, il jetait dans la population ouvrière cette pensée funeste, qu’il fallait à