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DOCUMENTS HISTORIQUES.

Le peuple a triomphé avec humanité.

Le peuple a réprimé l’anarchie dès la première heure.

Le peuple a brisé de lui-même, aussitôt après le combat, l’arme de sa juste colère. Il a brûlé l’échafaud. Il a proclamé l’abolition de la peine de mort contre ses ennemis.

Il a respecté la liberté individuelle en ne proscrivant personne.

Il a respecté la conscience dans la religion, qu’il veut libre, mais qu’il veut sans inégalité et sans priviléges.

Il a respecté la propriété.

Il a poussé la probité jusqu’à ces désintéressements sublimes qui font l’admiration et l’attendrissement de l’histoire.

Il a choisi, pour les mettre à sa tête, partout les noms des hommes les plus honnêtes et les plus fermes qui soient tombés sous sa main, il n’a pas poussé un cri de haine ou d’envie contre les fortunes.

Pas un cri de vengeance contre les personnes.

Il a fait, en un mot, du nom de peuple le nom du courage, de la clémence et de la vertu.

Nous n’avons qu’une seule instruction à vous donner : Inspirez-vous du peuple, imitez-le ! Pensez, sentez, votez, agissez comme lui !

Le gouvernement provisoire, lui, n’imitera pas les gouvernements usurpateurs de la souveraineté du peuple, qui corrompaient les électeurs et qui achetaient à prix immoral la conscience du pays.

À quoi bon succéder à ces gouvernements, si c’est pour leur ressembler ! À quoi bon avoir créé et adoré la République, si la République doit entrer dès le premier jour dans les ornières de la royauté abolie ! Il considère comme un de ses devoirs de répandre sur les opérations électorales cette lumière qui éclaire les consciences sans peser sur elles. Il se borne à neutraliser l’influence hostile de l’administration ancienne, qui a perverti et dénaturé l’élection.

Le gouvernement provisoire veut que la conscience publique règne ! Il ne s’inquiète pas des vieux partis : les vieux partis ont vieilli d’un siècle en trois jours ! La République les convaincra, si elle est sûre et juste pour eux. La nécessité est un grand maître. La République, sachez-le bien, a le bonheur d’être un gouvernement de nécessité. La réflexion est pour nous. On ne peut pas remonter aux royautés impossibles ; on ne veut pas descendre aux anarchies inconnues ; on sera républicain par raison. Donnez seulement sûreté, liberté, respect à tous. Assurez aux autres l’indépendance des suffrages que vous voulez pour vous. Ne regardez pas quel nom ceux que vous croyez vos ennemis écrivent sur leur bulletin, et soyez sûrs d’avance qu’ils écrivent le seul nom qui peut les sauver, c’est-à-dire celui d’un républicain capable et probe.

Sûreté, liberté, respect aux consciences de tous les citoyens électeurs ; voilà l’intention du gouvernement républicain, voilà son devoir, voilà le vôtre, voilà le salut du peuple ! Ayez confiance dans le bon sens du pays, il aura confiance en vous ; donnez-lui la liberté, et il vous renverra la République.