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HISTOIRE

Toujours vaincus, jamais découragés, les ouvriers lyonnais avaient réussi, depuis la Révolution de 1830, malgré une surveillance rigoureuse et des persécutions de tous genres, à se donner, par le moyen des sociétés secrètes, une organisation très-forte. Sous l’influence de ces sociétés affiliées à celles de Paris, l’esprit républicain s’était infiltré dans ces masses que les questions de salaire avaient jusque-là exclusivement absorbées. La vaste société des Mutuellistes, entre autres, purement industrielle à l’origine, avait pris peu à peu un caractère politique. Bientôt les théories communistes y pénétrèrent ; mais la rivalité des systèmes et la controverse n’engendrèrent pas comme à Paris la division : le lien indestructible d’une solidarité tant de fois cimentée dans le sang tenait fortement unis ces hommes intrépides. Rien ne pouvait les détourner de leur but commun ; un même souffle vengeur les animait ; une même destinée les ferait vaincre ou périr ensemble.

Moins lettré que l’ouvrier de Paris, moins avide de divertissement, d’une race moins mélangée, moins sociable et moins artiste, l’ouvrier lyonnais couve, sous une impassibilité apparente, des haines inextinguibles. Sa passion, pour rester taciturne, n’en est que plus intense. Rien ne distrait, ne rebute, ni ne décourage sa patiente énergie. Il est l’homme de la fatalité. Tel il était par nature et tel il devient de plus en plus, en se heurtant à la dure loi sociale qu’il ne parvient pas à briser.

Cependant, vers la fin du dernier règne, la population lyonnaise paraissait sensiblement calmée. L’active persévérance d’un clergé habile, secondé par une noblesse très-opulente, les congrégations religieuses multipliées depuis vingt ans, et qui occupaient, dans de vastes ateliers, des ouvriers en grand nombre, le gouvernement occulte des jésuites, dont l’établissement, rue Sala, formait le centre

    que les meurtrières du mur d’enceinte plongent à portée de pistolet sur les fenêtres et dans l’intérieur des ménages des ouvriers. Aussi le peuple lyonnais les a-t-il en exécration.