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DE LA RÉVOLUTION DE 1848.

tions en abondance. Les associations ouvrières communistes et jacobines, les Charbonniers, les Ventres creux ou Voraces, les Vengeurs, les Vautours, ont constitué à la Croix-Rousse un pouvoir indépendant de l’Hôtel de Ville, et ils dirigent avec une autorité souveraine le mouvement populaire. Il n’y a plus dans Lyon aucune force de résistance. L’autorité militaire est anéantie. Le général Perrot, qui semblait d’abord disposé à engager la lutte, ne donne plus aucun ordre. Les soldats, qui ne sentent plus la main des chefs, fraternisent avec les ouvriers. Une multitude de clubs se sont ouverts ; une presse violente les excite. Malgré l’adhésion de l’archevêque, M. le cardinal de Bonald, la haine du peuple contre les congrégations religieuses l’a emporté à des excès déplorables. Plusieurs fabricants sont menacés ; déjà la scierie mécanique de Vaise, l’atelier de construction des bateaux à vapeur sont détruits. Le pénitencier d’Oullins, dirigé par l’abbé Rey, est réduit en cendres. Les souvenirs de la Terreur se dressent dans toutes les imaginations.

Le premier acte par lequel M. Arago essaye de rétablir l’autorité centrale, qui dans toutes nos luttes civiles a rencontré à Lyon plus de résistance que dans aucune autre ville de France, c’est de substituer au drapeau rouge les couleurs officielles adoptées par le gouvernement provisoire. La foule très-agitée, à qui l’on avait déjà insinué que le gouvernement de Paris n’était pas républicain, ne paraissait guère d’humeur à souffrir ce changement. Cependant, quand M. Arago eut expliqué que le drapeau rouge était le drapeau du combat et qu’en signe de victoire il fallait arborer le drapeau tricolore, il fut applaudi, et les cris de Vive Arago ! lui donnèrent quelque espoir de pouvoir se faire accepter par ce peuple en défiance.

Son premier soin fut d’annoncer publiquement le décret du gouvernement provisoire qui garantissait l’existence de l’ouvrier et de nommer une commission, à l’instar de celle