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Comme de larmes de ton œil !
Le soleil chaud de tes ardeurs
N’a point moissonné l’esperance
Et la delectable aparance
De ton printemps & de tes fleurs.
Tesmoins ces doux & riches vers
A qui la mort la mort ne donne,
De qui l’yver, de qui l’autonne
Ne secheront les rameaux vers.
Pour salaire de tes ennuis,
Pour la fin de tes douces rages,
Pour couronne de tes ouvrages
Dieu te donne encor’ d’autres fruitz.
Ces fruitz feront qu’en bien aymant
Ton doux chant fleschira ta dame ;
Tes pleurs feront noier ta flamme
Et les douleurs de ton tourment.
Tu cuilleras de ta beauté
Les espitz aprés l’esperance :
Ta Chloris en Ceres s’advance,
Ton printemps se fait un esté.
Ces fruiz là feront que l’amour
De ceste fleur espanouie
Ne verra la mort & la vie
Paroistre & finir en un jour.


XIX.

Quiconque sur les os des tombeaux effroiables
Verra le triste amant, les restes miserables
D’un cueur seché d’amour & l’immobile corps
Qui par son ame morte est mis entre les morts,
Qu’il deplore le sort d’un ame à soy contraire,