Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/122

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Je mesprise celuy qui n’est point amoureux :
La joye sans aimer est une chose sainte,
Toute felicité, si on n’aime, est estainte,
Et ainsi pour souffrir je souffre bienheureux.
Amour oste tout soin & un seul qui nous blesse
Nous ravit à nous meme & nous rend tout à luy,
Il faict, comme il luy plaist, le plaisir & l’ennuy
Qui me cause cent mors absent de ma maistresse.
Il faut donq’ obéir à ses estroictes loix,
Se laisser surmonter au mal qui me surmonte :
Puis je sçay que ma dame altiere ne fait conte
Des grands plus eslevez, des Princes ni des Roix.
Mes veux iront mourir ou meurent les celestes :
L’or y a pleu, cett’ or n’[y] a point eu de pris.
Le fouldre à menacer n’a receu que mespris,
Le cigne y a perdu ses chants doux & funestes.
Voyez mon cœur en feu tout noyé de ses pleurs,
Voyez vos cruaultez paintes en mon visage,
Voyez d’un qui n’est plus la pitoyable image,
L’image de mes maux, celle de vos rigueurs.
Enfin dans un Ætna mon Amour consummee
Me donne le tombeau du Grec ambitieux,
Mont qui seiche la mer, mont qui rend de ses feux
En braize les Enfers & les Cieux en fumee.