Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/212

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D’un lyerre honorant n’estant pesee ma vie ! (sic)
Ce despir, ce courroux firent naistre un’ envie
Qui n’est pas zoylique & ne fait soubs ses dents
Estriper les aspics de qui les yeux ardents
Infectent flamboyans mesme la chos’ aymee,
Qui gangnent, sans ravir, l’heur de la renommee,
Envie qui profite & qui jamais ne nuict,
Qui n’a aucun accez aux Filles de la Nuict :
C’est une honneste envie, & cett’ envie est telle
Qu’on ne peut bonnement sentir au vif sans elle
Cet aiguillon piquant qui du vice tortu
Nous fait tourner les pas au trac de la vertu.


II.

[A DIANE.]

Encor le Ciel cruel à mon dernier secours
M’a prolongé la vie & la force des jours,
m’a ait toucher le port & la fin desiree
O plaie, mon bonheur, qui n’etes desserree
Que dans le doux giron de ma Dianne, afin.
Que ses yeux & ses pleurs accompagnent ma fin.
Je te benis, ô jour, qui de si belle sorte
Rends le cueur, le martire & non l’amitié morte,
Je te benis encore, ennemy incongnu,
A ta mort, à la mienne & à mon heur venu !
En portant avecq’moy ma fin j’ay traversee
La Beausse presque’ entiere, & mon ame pressee
Pressa le cors d’aller, de vivre & de courir
Pour entre ses doux bras si doucement mourir.
Or achevés ma vie & mes cruelles peines,
Vous arteres bouillans couppés & vous mes veines