Page:Agrippa d'Aubigné - Œuvres complètes tome troisième, 1874.pdf/82

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Ils facent leur proffit des plumes de mon esle,
Di’ aux dames aussi qu’elles songent de prés
Au malheur qui les suit & que leur œil contemple
Ma fin & mes tormens pour leur servir d’exemple.
Quant mon esprit jadis subjet à ta colhere
Aux Champs Eliziens achevera mes pleurs,
Je verrai les amans qui de telle misere
Gousterent telz repos aprés de telz malheurs,
Tes semblables aussi que leur sentence mesme
Punit incessemment en Enfer creux & blesme.
A quiconques aura telle dame servie
Avecq’ tant de rigeur & de fidelité
J’esgalleray ma mort, comme je fis ma vie,
Maudissant à l’envy toute legereté,
Fuiant l’eau de l’oubly, pour faire experiance
Combien des maux passez douce est la souvenance.
O amans, eschappez des misères du monde,
Je feuz le serf d’un œil plus beau que nul autre œil,
Serf d’une tyrannie à nulle autre seconde,
Et mon amour constant jamais n’eut son pareil :
Il n’est amant constant qui en foy me devance,
Diane n’eut jamais pareille en inconstance.
Je verray aux Enfers les peines préparees
A celles là qui ont aymé legerement,
Qui ont foullé au pied les promesses jurees,
Et pour chasque forfait, chasque propre torment :
Dieux frappez l’homicide, ou bien la justice erre
Hors des haultz Cieux bannye ainsi que de la terre !
Aultre punition ne fault à l’inconstante
Que de vivre cent ans à goutter les remortz
De sa legereté inhumaine, sanglante.
Les mesmes actions luy seront mille mortz,
Ses traits la fraperont & la plaie mortelle
Qu’elle fit en mon sein resaignera sur elle.