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autres personnes. « Ainsi, c’est Michau qui parle, une chose qui me plairait, serait de me promener par les rues, le front ceint d’un double laurier, ce pendant que sur mon passage s’élèverait un murmure louangeur ». Il rêve qu’il reçoit des propositions du « Figaro », de « L’Écho de Paris », du « Gil-blas », que sais-je ? des lettres où des éditeurs parisiens lui demandent d’aller les voir, etc. Malheureusement, son article, quand il paraît, est plein de fautes, de coquilles et le sens en est totalement déformé. Plein de rage, il court, il vole chez le directeur ; mais celui-ci, voyant à qui il a affaire, le raisonne, le console de son mieux, et lui offre, en compensation, d’écrire un autre article : l’éloge du président du tribunal qui vient d’être nommé conseiller à Paris. « Le directeur n’avait pas fini, c’est encore Michau qui parle, que déjà j’entendais mon génie taper impatiemment du pied aux parois de ma boîte crânienne, comme une personne enfermée dans les lieux qui demande à en sortir. » Mais, cette fois encore son article, par un malheureux hasard, avait été mélangé avec l’éloge d’un cochon phénomène, vendu au marché de la ville, quelques jours auparavant… Les idées de grandeur que Michau a présentées jusqu’à présent, s’associent maintenant à des idées de persécution. C’est intentionnellement que l’erreur a été commise, c’est sur un ordre formel du directeur, qui lui en veut, qui est jaloux de son talent. Et, dans un beau geste, le malheureux incompris jure de garder pour lui seul les trésors de son génie : « Mauvaise race humaine, race ingrate, tu seras châtiée de ton abjection : tu ne liras jamais ma prose !!! »

Le cas de Chantoine[1], sous-rédacteur au « Léopard Littéraire », est presqu’en tout semblable à celui de Michau, aussi je me contenterai simplement de le signaler.

Le cas de Sainthomme, atteint de délire vaniteux, mérite une

  1. G. Courteline ; Kuiller-Hapo (Lidoire et La Biscotte).