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L’ILLUSTRE MAURIN

Il descendit de cheval, remit la bride à Sandri et s’avança vers le renard. Quand le renard vit le gendarme approcher, il se mit debout ; tous les poils de son échine se hérissèrent, ses babines découvrirent ses dents aiguës ; et ses yeux regardaient de côté l’imprudent. Entre ses quatre pattes grouillaient les perdreaux, assemblés autour de madame la belette.

— Bougre ! fit le brigadier avec un rien de déférence, c’est un fameux gardien que vous avez-là.

— Pour la défense des perdreaux, c’est, dit Saulnier, un véritable gendarme.

Saulnier appela son renard :

— Ze ne vous conseille pas de vous y frotter.

Il le saisit par la peau du cou et le maintint près de lui.

— Ze le tiens. Prenez un perdreau à présent, pour voir !

Le brigadier s’avança. Le renard grogna. La belette disparut dans les pierres et les perdreaux s’envolèrent.

— Vous le voyez bien qu’ils sont libres, dit Saulnier triomphant.

— On pourrait donc vous les tuer, quand ils s’envolent ainsi ?

— Oh ! mais, — dit Saulnier guoguenard, — ils ne s’envolent que devant la gendarmerie… Et pour éviter l’ennui de faire quelque erreur au sujet de mes perdreaux, apprenez que j’ai consurté (consulté) sur la question. Eh bien ! les hommes de loi de Toulon, M. le notaire et M. le maire de Cogolin, ils m’ont tous dit qu’il n’y a pas encore de loi qui empèce l’amitié d’un pauvre cantonnier et d’une compagnie de perdreaux. Ze ne les tue pas, ze les nourris et ze les loge. Réflécissez un