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MAURIN DES MAURES

du talent, mais il manquait de cette suffisance qui mène à tout. Il croyait que la modestie est une vertu ou du moins une élégance, l’imbécile !

Un beau matin il vit entrer chez lui un juif qui lui dit :

— Mossieu, je fiens te la bart t’un homme tu monde qui tésire fous ageter un manuscrit te théâtre afin te le signer te son nom. Foilà teux mille francs.

Ce marché conclu, Pierre ne trouva rien de mieux que de partir pour New-York.

Quand il en revint, ayant dû à sa qualité de philosophe idéaliste l’insuccès de toutes ses démarches en Amérique, il possédait pour seule fortune deux canards enfermés dans une cage somptueuse qui portait cette inscription sur une belle plaque de cuivre reluisante :

canards du labrador, spécimen rare.

C’était le cadeau bizarre que lui avait fait un milliardaire américain, en le mettant à la porte après l’avoir chargé quelque temps de faire à son jeune fils un cours de français, mais non pas d’idéalisme.

Dès son arrivée au Havre, Pierre d’Auriol, bien embarrassé de la cage fastueuse, la fit pourtant transporter à l’hôtel avec son humble malle.

Puis il alla au café et demanda les journaux du matin.

Il les parcourut avidement.

Et tout à coup, son regard fut attiré par cette ligne composée en caractère gras :

Grand concours agricole à Auriol.

— Voilà, se dit Pierre, des nouvelles toutes fraîches de ma petite patrie. Il sera question sans doute, dans cet article, de mon frère le secrétaire de la mairie.