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MAURIN DES MAURES

vivants, tout drôles avec leur gaucherie de nouveau-nés et leurs airs féroces inoffensifs. Il les portait dans son vaste carnier, ayant relégué dans sa chemise bouffante les engins de chasse qui l’encombraient. Claire et Maurin se dirent peu de chose. La fille fut contente d’être délivrée ; l’homme, d’avoir un fils, un autre lui-même, une chose à lui, vivante, sortie de lui, de ses jeunes forces inquiètes. Elle voulut faire passer son enfant entre les branches basses d’un vieux chêne des fées, cela rend les enfants sains et vigoureux. Maurin y consentit et alors le père et la mère se mirent à rire ensemble, tout de suite, dans cette clairière, au fond de ce bois où, dès leur première rencontre, ils avaient ri de même.

Le vieux cantonnier frappait des pierres, là-bas, sur la route, et l’écho de la montagne leur envoyait chaque frappement redoublé deux fois. Cela aussi les faisait rire.

Oui, les choses se passèrent ainsi parce que Clairette avait peur de son père plus que de la douleur et de la mort. Maurin la laissa debout et joyeuse. Le soir, en rentrant chez lui, il souleva doucement la couverture de cuir de son carnier qu’il portait avec précaution entre ses bras. Et, d’un air de mystère et de joie, il le présenta tout ouvert à sa mère.

La vieille vit l’enfantelet tout nu, qui dormait bien au chaud sur le poil roux des deux mignonnes bêtes endormies comme lui.

— Tenez, mère, il faudra me nourrir tout ça !

Depuis ce temps, la Claire était morte et Maurin, à mesure que son petit grandissait, s’était mis à l’aimer beaucoup, bien qu’il le vît rarement ou peut-être à