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LES DRAMES DU NOUVEAU-MONDE

Par une belle journée d’août, l’Oncle Jerry, entouré de toute sa famille, présidait un gigantesque festin servi rustiquement, en plein air, sur le bord de la rivière. Déjà les plats circulaient, escortés de brocs pleins de cidre ou de bière ; les clameurs animées des convives commençaient leurs bruyants concerts. Tout-à-coup, le silence régna un instant et des cris retentirent :

— C’est lui ! c’est lui ! le voilà qui vient !

Et chacun regarda vers la lisière du bois. Le Brigadier se leva pour voir celui qu’on annonçait ainsi ; un nuage passa devant ses yeux, et il frissonna des pieds à la tête en apercevant debout à l’entrée d’une clairière, un jeune homme pâle, aux longs cheveux noirs, appuyé contre un arbre et portant sur son épaule une longue carabine.

— Fondez sur lui ! courez, mes enfants ! saisissez-le, mort on vif ! s’écria le Brigadier.

Personne ne bougea. Quelques cris surgirent :

— Allez donc ! courage ! avez-vous peur ?

Le Brigadier se leva et marcha droit à lui. Au lieu de fuir, le nouveau venu fit la moitié du chemin et en s’approchant étendit la main ; puis, il la laissa retomber en murmurant d’une voix brisée :