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L’ÉCLAIREUR.

dans ce métier je me suis souvent trouvé en rapport, soit avec des Indiens, soit avec des chasseurs, ce qui m’a donné sur la vie du désert certaines notions dont j’ai fait mon profit, bien que je n’aie jamais pénétré aussi loin qu’aujourd’hui dans les prairies. Ainsi, dans les parages où nous sommes, nous devons surtout redouter la rencontre de nos semblables, ne les accoster qu’avec prudence, en usant des précautions les plus grandes, d’autant plus que nous ne savons en face de qui nous nous trouverons et si nous aurons affaire à des amis ou à des ennemis.

— C’est vrai, ton observation est juste, mais malheureusement elle arrive un peu tard.

— Pourquoi donc ?

— Parce que si nous avons aperçu la fumée de leur feu, il est probable que depuis longtemps déjà les gens qui sont là-bas nous ont vus et épient tous nos mouvements, d’autant plus que nous n’avons aucunement cherché à dissimuler notre présence.

— Cela est certain, don Mariano, cela est certain, reprit Bermudez en secouant la tête. Voilà, si vous me le permettez, ce que je propose à votre seigneurie, afin d’éviter un malentendu toujours désagréable : vous m’attendrez ici avec Juanito, tandis que moi je m’avancerai seul et je pousserai une reconnaissance jusqu’auprès du feu.

Don Mariano hésita à répondre, il lui semblait dur d’exposer ainsi son vieux domestique.

— Décidez-vous, seigneurie, dit vivement celui-ci ; je connais la manière de causer des Peaux-Rouges, ils me salueront ou d’une volée de flèches, ou d’une balle ; mais, comme ils sont généralement très-maladroits, je suis à peu près certain de ne pas être blessé, et alors, j’entrerai facilement en pourparlers avec eux. Vous voyez que les risques que j’ai à courir ne sont pas grands.