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L’ÉCLAIREUR.

plus douloureuse, puisque l’arme que, dans leur cruelle générosité, vos amis m’avaient laissée pour mettre fin à mes maux lorsque le courage et l’espoir me manqueraient, ne peut plus même me servir à présent.

— C’est juste murmura Balle-Franche.

Le chasseur baissa la tête sur sa poitrine et réfléchit profondément pendant quelques secondes.

Don Estevan suivait avec anxiété sur le visage loyal et caractérisé du chasseur les diverses émotions qui, tour à tour, s’y reflétaient.

Le Canadien reprit :

— Vous avez raison de me demander des armes ; si vous en êtes privé, vous risquez d’être, avant quelques heures, dans une position semblable à celle dont je vous ai sorti.

— Vous le reconnaissez ?

— Pardieu ! cela n’est pas douteux.

— Alors, soyez généreux jusqu’au bout, donnez-moi les moyens de me défendre.

Le chasseur hocha la tête.

— Je n’avais pas prévu cela, dit-il.

— Ce qui signifie que si vous l’aviez prévu, vous m’auriez, laissé mourir.

— Peut-être !

Ce mot tomba comme un coup de massue sur le cœur de don Estevan ; il lança un regard sinistre au chasseur.

— Ce que vous dites-là n’est pas bien, dit-il.

— Que voulez-vous que je vous réponde ? reprit celui-ci ; à mes yeux vous avez été justement condamné. J’aurais dû laisser la justice suivre son cours ; je ne l’ai pas fait, peut-être ai-je eu tort ; maintenant que j’envisage la question de sang-froid, tout en reconnaissant que vous avez raison de me demander des armes, qu’il est indispensable que vous en ayez pour votre sûreté personnelle d’abord, et en-