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L’ÉCLAIREUR.

Le pennekann, le queso et le blé indien restèrent donc au fond des alforjas des aventuriers, grâce à de succulents filets levés adroitement sur l’animal par Domingo, et qui, rôtis sur la braise, leur procurèrent un délicieux déjeuner ; ce festin fut couronné par quelques gouttes de pulque dont l’Aigle-Volant et sa femme, d’après l’habitude des comanches de s’abstenir de liqueurs fortes, refusèrent seuls de prendre leur part.

Puis les pipes et les cigarettes furent allumées, et chacun commença à fumer silencieusement.

Bon-Affût réfléchissait au parti qu’il devait prendre, pendant que Domingo et Bermudez préparaient tout pour le départ ; enfin il se décida à parler :

— Caballeros, dit-il, nous voici arrivés à l’endroit où commence réellement notre voyage ; il est temps que je vous fasse savoir où nous allons. Dès que nous aurons traversé cette forêt, ce qui ne sera pas long, nous aurons devant nous une plaine immense au centre de laquelle s’élève une ville ; cette ville est nommée par les Indiens Quiepaa-Tani : c’est une de ces mystérieuses cités où, depuis la conquête, s’est réfugiée la civilisation mexicaine des Incas ; c’est à cette ville que nous nous rendons, car c’est dans son sein que se sont retirées les jeunes filles que nous voulons sauver ; cette ville est sacrée : malheur à l’Européen ou au blanc qui serait découvert aux environs ! Je vous avoue que les périls que nous avons courus jusqu’à présent ne sont rien en comparaison de ceux qui probablement nous attendent avant que nous atteignions le but que nous nous sommes proposé ; il est impossible que nous songions à nous introduire tous dans cette ville ; cette tentative serait une folie et n’aboutirait qu’à nous faire stérilement massacrer. D’un autre côté, nous pouvons avoir besoin de retrouver ici des compagnons dévoués qui, le cas échéant, nous viendront en aide. Voici donc ce que j’ai ré-