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L’ÉCLAIREUR.

avait pris feu presque immédiatement, et bientôt une flamme brillante monta en tournoyant vers le faîte de la salle.

Pendant que le sachem prononçait les paroles que nous avons rapportées, deux prêtres secondaires avaient enlevé le calumet sacré de l’endroit où il était placé, et, après l’avoir bourré d’un tabac réservé seulement pour les cérémonies extraordinaires, ils l’avaient apporté sur leurs épaules et présenté respectueusement à l’amantzin. Celui-ci prit avec une baguette de médecine, afin de conjurer les mauvais présages, un charbon incandescent dans le foyer et alluma le calumet en prononçant l’invocation suivante :

— Wacondah ! être sublime et inconnu, toi que le monde ne peut contenir et dont l’œil puissant aperçoit l’insecte le plus petit timidement caché sous l’herbe, nous t’invoquons, toi que nul homme ne peut comprendre. Permets que le Soleil, ton représentant visible, nous soit favorable et ne chasse pas au loin la fumée sainte du grand calumet que nous envoyons vers lui.

L’amantzin, conservant toujours le fourneau du calumet dans la paume de sa main, présenta le tuyau tour à tour à chaque chef, en commençant par le plus âgé, c’est-à-dire par Anayacatl. Les sachems aspirèrent chacun quelques bouffées de fumée avec le décorum et le recueillement exigés par l’étiquette, les regards baissés vers la terre et le bras droit appuyé sur le cœur. Lorsque enfin le tuyau du calumet arriva, au grand-prêtre, celui-ci fit tenir le fourneau par un de ses acolytes et fuma jusqu’à ce que tout le tabac fût réduit en cendre. Alors le hacheto s’approcha, vida la cendre dans un petit sac de peau d’élan, qu’il ferma et jeta ensuite au milieu du feu en disant d’une voix haute et accentuée :

— Wacondah ! les descendants des fils d’Aztlan[1] implorent

  1. Lieu d’où les Mexicains tiraient leur origine : ce nom vient de aztatl, héron.