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L’ÉCLAIREUR.

le chasseur ; autre chose est tuer un ennemi dans un combat qu’assassiner un adepte de la grande médecine dans le temple du Wacondah, lorsqu’il est protégé par sa main toute-puissante ! Tu as eu peur, te dis-je.

Le chasseur avait deviné juste : c’était précisément cette crainte superstitieuse qui avait subitement arrêté le bras du chef, déjà levé pour frapper.

— Je ne discuterai pas avec toi, reprit-il ; mais apprends-moi comment tu as aussi vite deviné mon nom, car je ne te connais pas.

— Mais je te connais, moi ; le Wacondah m’avait annoncé ta présence ; je t’attendais : si je n’ai pas prévenu ton attaque, c’est que je voulais savoir si tu pousserais l’impiété jusqu’à souiller le sanctuaire révéré du temple.

L’Indien ricana.

— Tu vas trop loin, sorcier, dit-il avec ironie ; sans un mouvement de faiblesse que je me reproche, tu serais mort !

— Peut-être ! Que me veux-tu ?

— Ne le sais-tu pas toi, pour qui, dis-tu, rien n’est caché ?

— Je sais quelle raison t’amène, tu chercherais vainement à me la dissimuler ; si je t’adresse cette question, c’est que je veux savoir si tu oses mentir.

Le Loup-Rouge réfléchit un instant, puis il reprit d’un accent résolu :

— Écoute, sorcier, dit-il : ou tu es un fourbe, et je le crois, ou tu es réellement ce que tu prétends être, c’est-à-dire un grand médecin, aimé du Wacondah et inspiré par lui ; dans l’un ou l’autre cas, je veux éclaircir mes doutes. Malheur à toi si tu cherches à me tromper, je te tuerai comme un chien, et de ta peau maudite, découpée en lanières sur ton corps palpitant, je ferai des harnais pour