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L’ÉCLAIREUR.

Peut-être don Leo, caché au fond des déserts avec la jeune fille qu’il avait si miraculeusement sauvée, avait-il pendant quelques jours caressé intérieurement l’espoir d’un bonheur éternel avec celle qu’il aimait, loin des villes et de leurs enivrements redoutables ; mais cette pensée, s’il l’avait eue, s’était évanouie tout à coup, sans retour, à la rencontre fortuite de don Mariano : l’apparition du père de doña Laura devait anéantir pour toujours les projets formés par le jeune homme.

Le coup fut rude : cependant, grâce à sa volonté de fer, il le supporta bravement, croyant qu’il lui serait facile, dans le tourbillon de la vie accidentée à laquelle il était condamné, d’oublier la jeune fille.

Malheureusement pour don Leo, il lui avait fallu subir la loi commune, c’est-à-dire que son amour s’était accru en raison inverse des obstacles invincibles qui soudain avaient surgi ; ce fut justement lorsqu’il reconnut qu’elle ne pourrait jamais être à lui à cause des raisons de famille et de fortune qui élevaient entre eux une barrière infranchissable, qu’il comprit qu’il lui était impossible de vivre sans elle.

Alors, sans chercher plus longtemps à guérir la plaie incurable qu’il avait au cœur, il se laissa au contraire complètement aller à cet amour qui était sa vie, et ne rêva plus qu’une chose, mourir en sauvant celle qu’il aimait, afin d’attirer sur ses lèvres à sa dernière heure une parole de reconnaissance, et peut-être de lui laisser un doux et triste souvenir au fond de l’âme.

On comprend que, dans de telles dispositions, don Leo voulait absolument, quoi qu’il pût arriver, délivrer lui-même la jeune fille ; aussi, depuis l’instant où il s’était séparé de son ami, rêvait-il au moyen de s’introduire dans la ville et de la voir.

Ce fut dans ces dispositions qu’il rejoignit le camp.

Don Mariano était triste ; Balle-Franche lui-même sem-