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L’ÉCLAIREUR.

votre profit, car vous êtes tombée, je vous le jure, entre les mains d’hommes qui ne vous feront pas grâce et ne se laisseront attendrir ni par vos larmes, ni par vos cris de douleur, si vous les obligez à en venir à certaines extrémités.

— Vous ferez ce que bon vous semblera, répondit la supérieure toujours impassible ; je suis entre vos mains ; je sais que je n’ai pour le moment du moins nul secours à attendre de qui que ce soit, Dieu me donnera la force de souffrir le martyre.

— Madame, répondit don Torribio en ricanant, vous blasphémez en ce moment : c’est un péché mortel que vous commettez sciemment, mais peu m’importe, ce sont vos affaires. Voici les miennes : vous allez à l’instant m’indiquer l’entrée des caveaux et l’endroit ou repose doña Laura d’Azevedo ; j’ai juré d’enlever son corps d’ici, coûte que coûte. J’accomplirai mon serment, quoi qu’il arrive ; si vous consentez à ce que je vous demande, mes compagnons et moi, nous nous retirerons en enlevant le corps de la pauvre morte, mais sans toucher à une épingle des richesses immenses que renferme ce couvent.

— Et si je refuse, répondit-elle avec hauteur.

— Si vous refusez, reprit-il en appuyant sur chaque mot, comme s’il avait voulu mieux les faire comprendre à son interlocutrice, le couvent sera pillé, ces blanches colombes deviendront la proie du démon, ajouta-t-il avec un geste qui fit frémir de terreur les religieuses, et vous, je vous appliquerai à une certaine torture qui, je n’en doute pas, vous déliera la langue.

L’abbesse sourit avec mépris.

— Commencez par moi, dit-elle.

— C’est aussi mon intention ; allons, ajouta-t-il d’une voix rude, à la besogne !

Deux hommes s’avancèrent et s’emparèrent de la supé-