Aller au contenu

Page:Aimard - La Fièvre d’or, 1860.djvu/204

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
LA FIÈVRE D’OR.

sommes une nation puissante ; il faut maintenant compter avec nous ! »

Malheureusement pour eux, en disant ces fières paroles, les Américains du Nord n’y croyaient pas eux-mêmes.

Car d’un côté ils connaissent parfaitement leur faiblesse, et de l’autre ils savent fort bien qu’une foule d’individus réunis de partout sans lien de famille ni de langage entre eux, ne peuvent pas en un siècle ni même en deux constituer une nation, c’est à dire un peuple.

Seulement, pour être juste et impartial envers les États-Unis, il faut reconnaître que ses habitants possèdent au suprême degré cette fiévreuse ardeur qui, bien dirigée, produit les grandes choses.

Il est évident que ces audacieux aventuriers accomplissent, sans s’en douter, une mission providentielle. Quelle est-elle ? nul ne le saurait dire, eux moins que personne. Ces hommes, qui étouffent dans des frontières que leur population, tout en s’accroissant chaque jour, ne saurait remplir, qui aspirent continuellement à sauter par dessus les barrières que leur opposent les autres peuples, qui ne rêvent que l’inconnu et se tiennent perpétuellement debout, les yeux fixés à l’horizon lointain, ces hommes enfin auxquels, comme au juif de la légende, une voix secrète murmure constamment à l’oreille : Marche ! marche ! ces hommes sont appelés, dans un temps prochain, à jouer un grand, beau et noble rôle dans la civilisation moderne, si l’égoïsme profond qui les mine et la soif de l’or qui les dévore ne tue pas en eux les vertus régénératrices dont, à leur insu, ils sont doués, et si, ou-