Page:Aimard - La Loi de Lynch, 1859.djvu/54

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Elle commençait à se souvenir.

— Rassurez-vous, mon enfant, dit le Blood’s Son en adoucissant le timbre rude de sa voix ; je suis votre ami.

— Mon ami, vous ! s’écria-t-elle ; que signifie ce mot dans votre bouche ?

— Oh ! pardonnez-moi, j’étais fou, je ne savais ce que je faisais.

— Vous pardonner ! pourquoi ? Ne suis-je pas née pour la douleur ?

— Comme elle a dû souffrir ! murmura le Blood’s Son.

— Oh ! oui, continua-t-elle, parlant comme dans un rêve, oui, j’ai bien souffert. Ma vie, quoique je sois bien jeune encore, n’a été jusqu’à présent qu’une longue souffrance… Pourtant autrefois, il y a longtemps, bien longtemps, je me souviens d’avoir été heureuse, hélas ! Mais la pire douleur en ce monde, c’est un souvenir de bonheur dans l’infortune.

Un soupir s’échappa de sa poitrine oppressée, elle laissa tomber sa tête dans ses mains et pleura.

Le Blood’s Son, comme suspendu à ses lèvres, écoutait et la contemplait.

Cette voix, ces traits, tout ce qu’il voyait et entendait faisait grandir le soupçon dans son cœur, et peu à peu le changeait en certitude.

— Oh ! parlez ! parlez encore ! reprit-il avec tendresse. Que vous rappelez-vous de vos jeunes années ?

La jeune fille le regarda, un sourire amer crispa ses lèvres.

— Pourquoi, dans le malheur, songer aux joies passées, dit-elle ? en secouant la tête avec tristesse.