Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/162

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Le second le général Ibañez.

Le général Ibañez était un homme de trente-quatre à trente-cinq ans, d’une taille élevée et bien prise, d’une figure fine et intelligente.

Ses manières étaient gracieuses et nobles. Il salua amicalement l’hacendero et Valentin, serra la main de Curumilla et se laissa tomber auprès du feu.

— Ouf ! dit-il, je n’en puis plus, messieurs ; je viens de faire à cheval une course à me briser les os ; la pauvre bête est fourbue, et pour me remettre j’ai fait une ascension pendant laquelle j’ai cru vingt fois que je resterais en route, ce qui serait immanquablement arrivé si notre ami la Plume-d’Aigle n’était venu charitablement à mon secours ; il faut avouer que ces Indiens grimpent comme de véritables chats, c’est une justice à leur rendre : nous autres, gente de razon[1], nous ne valons rien pour faire un tel métier.

— Enfin, vous voilà, mon ami, répondit don Miguel, Dieu soit loué ! j’avais hâte de vous voir.

— De mon côté, je vous avoue que mon impatience était tout aussi vive, surtout depuis que j’ai appris la trahison de ce misérable Cèdre-Rouge ; cet imbécile de Wood me l’avait adressé en me le recommandant si chaleureusement que, malgré toute ma prudence, je me suis laissé empaumer par lui, peu s’en est fallu que je ne lui livrasse tous nos secrets ; malheureusement le peu que je lui en ai dit suffit cent fois pour nous faire fusiller comme des conspirateurs vulgaires et sans portée.

  1. Littéralement homme de raison, expression gracieuse dont se servent les blancs pour se distinguer des Indiens, qu’ils affectent de considérer comme des bêtes brutes et auxquels ils n’accordent même pas d’âme.