Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/244

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mille raisons nous engagent à être prudents et à tenir l’expédition secrète : d’abord, je ne veux pas faire la fortune du gouvernement en faisant la nôtre ; une indiscrétion nous perdrait aujourd’hui, que le monde entier ne rêve que placers et mines, et que l’Europe nous envoie une foule de vagabonds maigres et affamés, avides de s’engraisser à nos dépens.

— Puissamment raisonné, fit Andrès.

— Non ! non ! rapportez-vous-en à moi : j’ai réuni la plus belle collection de picaros qui jamais se soient associés pour une expédition, tous gaillards de sac et de corde, ruinés par le monté, qui ne demandent que plaie et bosse, et sur lesquels je puis compter parfaitement, tout en ayant grand soin de ne pas leur dire un mot qui les puisse renseigner sur l’endroit où nous comptons les conduire ; car, alors, je sais aussi bien que vous qu’ils nous abandonneraient sans le moindre scrupule, ou, ce qui est encore plus probable, ils nous assassineraient pour s’emparer plus à l’aise des immenses trésors que nous convoitons.

— Ceci est on ne peut plus juste, répondit Fray Ambrosio ; je suis entièrement de votre avis, Cèdre-Rouge ; maintenant, qu’avez-vous résolu ?

— Nous n’avons pas un instant à perdre, répliqua le squatter ; ce soir même, ou demain sans faute, nous nous mettrons en route. Qui sait si déjà nous n’avons pas trop retardé notre départ ? Peut-être quelqu’un de ces vagabonds d’Europe a-t-il découvert notre placer ; ces misérables ont un flair particulier pour trouver l’or.

Fray Ambrosio jeta un regard soupçonneux sur son associé.

— Hum ! murmura-t-il, ce serait fort malheureux, car, jusqu’ici, l’affaire a été bien menée.