Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/323

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sier, s’enveloppèrent dans leurs couvertures et s’endormirent, après avoir recommandé à Schaw de faire bonne guette, non-seulement à cause des bêtes fauves, mais surtout pour signaler l’approche du vieux squatter.

Schaw, après avoir attisé le feu, se laissa tomber au pied d’un mélèze, et, baissant la tête sur la poitrine, il se plongea dans une profonde et douloureuse méditation.

Ce pauvre enfant, il avait vingt ans à peine, était un composé étrange de bonnes et de mauvaises qualités ; élevé dans le désert, il avait poussé dru comme un sauvageon indompté, jetant çà et là ses branches pleines d’une sève puissante ; rien n’avait jamais contrarié ses instincts quels qu’ils fussent ; n’ayant aucune connaissance du juste et de l’injuste, il n’avait jamais pu juger la conduite du squatter ni apprécier ce qu’il y avait d’hostile pour la société dans la vie qu’il menait. Habitué à considérer comme lui appartenant tout ce qu’il trouvait à sa convenance, se laissant guider par ses impressions et ses caprices, sans avoir jamais senti d’autre frein peser sur lui que celui de la volonté despotique de son père, ce jeune homme avait une nature à la fois expansive et réservée, généreuse et avare, douce et cruelle, en un mot il avait toutes les qualités de ses vices et tous les vices de ses qualités ; mais c’était surtout un homme de sensations. Doué d’une intelligence vaste, bien qu’abrupte, d’une audace extrême, d’une compréhension vive, c’eût été, sans nul doute, un homme remarquable, si Dieu l’avait fait naître dans une autre position et si le hasard l’eût placé dans un autre milieu.

Sa sœur Ellen était le seul être de la famille pour