Page:Aimard - Le Chercheur de pistes, 1860.djvu/334

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aurait été à tout jamais perdue pour vous et pour tout le monde.

— C’est terrible à penser.

— Eh bien ! en ce moment j’ai une crainte horrible.

— Laquelle ? señor padre.

— C’est que nous ayons différé trop longtemps notre départ et que quelques-uns de ces vagabonds d’Europe dont nous parlions tantôt n’aient découvert notre placer. Ces misérables ont un flair particulier pour trouver l’or.

— Caraï ! señor padre, s’écria Andrès en frappant du poing avec une feinte douleur, car il savait fort bien que ce que lui disait le moine n’était qu’un adroit détour pour en venir à son but ; ce serait à en devenir fou : une affaire si bien combinée et si bien menée jusqu’ici !

— C’est vrai, appuya Fray Ambrosio, je ne m’en consolerais jamais.

— Demonios ! j’y ai autant d’intérêt que vous, señor padre, répondit le gambusino avec un aplomb superbe ; vous savez qu’une suite non interrompue de malheureuses spéculations m’a fait perdre ma fortune ; j’espérais ainsi la rétablir d’un seul coup.

À ces paroles, Fray Ambrotio eut une peine incroyable à réprimer un sourire, car il était de notoriété publique que le señor don Andrès Garote était un lepero (lazzarone) qui, en fait de fortune, n’avait jamais possédé un cuartillo[1] de patrimoine ; que toute sa vie il n’avait été qu’un aventurier, et que les malheureuses spéculations dont il se plaignait étaient sim-

  1. Le cuartillo est la quatrième partie d’un réal, il vaut environ deux sous et demi.