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Le Forestier, par Gustave Aimard

— Oh ! alors, si c’est Ivonne, reprit Montbarts en riant, me voilà tranquille.

En ce moment on entendit plusieurs grognements au dehors.

— Eh ! reprit le capitaine, voici un sixième convive qui nous arrive ; je l’avais oublié. Allons, apporte d’abord ce que je t’ai demandé, et ensuite le déjeuner pour six, tu entends.

— Je vous demande une heure, capitaine.

— C’est entendu, va.

Le nouveau convive annoncé par Montbarts parut presque aussitôt. C’était un homme jeune encore, dont les traits mâles et énergiques étaient beaux et sympathiques ; une longue barbe brune tombait jusqu’au milieu de sa large poitrine sur laquelle elle s’étalait en éventail ; sa taille était haute, bien prise ; ses muscles, saillants comme des cordes, dénotaient une vigueur peu commune.

Il était magnifiquement vêtu, avait l’épée suspendue au flanc par un large ceinturon brodé d’or, de perles et de pierreries, un chapeau empanaché sur la tête, et tenait un gelin à la main gauche.

Trois rastreros et trois marcassins, sa suite ordinaire, le suivaient, marchant lorsqu’il marchait, s’arrêtant lorsqu’il s’arrêtait et les yeux sans cesse fixés sur lui.

— Bonjour. Ourson, mon vieux camarade, s’écrièrent tes boucaniers d’une seule voix.

Et cinq mains se tendirent spontanément vers lui.

— Bonjour, frères, répondit-il avec son charmant sourire et tendant aussitôt les deux mains ; bonjour, monsieur d’Ogeron ; bonjour, Montbarts ; bonjour, Poletais bonjour, Pitrians ; bonjour, Pierre Legrand.

— Soyez le bienvenu, capitaine, ajouta M. d’Ogeron.

— Serais-je en retard, frères ?

— Nous arrivons a peine.

— Tant mieux ! figurez-vous que je suis venu en me promenant, de sorte que je me suis un peu oublié le long du rivage.

— En pensant à ta femme, dit Montbarts en riant.

— Je ne le cache pas, je l’aime tant, la bonne et sainte créature, est-ce que tu ne trouves pas cela singulier. Montbarts ?

— Non, je le trouve au contraire fort naturel, cher ami, car moi aussi je suis fou de la mienne.

— Tu me fais plaisir de me parler ainsi, je craignais vos railleries, elles m’auraient fort peiné ; voilà pourquoi j’ai voulu expliquer franchement la cause de mon retard involontaire.