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Le Forestier, par Gustave Aimard

Natif du pays de Galles et fils de pauvres paysans, il s’était tout jeune enfui de la maison paternelle et était passé à la Barbade, où il avait presque aussitôt commencé la vie de corsaire qu’il ne devait plus abandonner. Son audace, sa ténacité, son intelligence ci. le bonheur qui accompagnait toutes ses entreprises l’avaient bientôt rendu célèbre.

Sa réputation balançait et égalait presque celle de Montbarts, du beau Laurent et de deux ou trois autres des plus renommés chefs de la flibuste.

La liste de ses hardis coups de main contre les Espagnols était longue ; aussi son nom leur inspirait-il une terreur affreuse ; sa cruauté et sa rapacité étaient proverbiales.

C’était un corsaire doublé d’un bandit ; du reste il ne s’en cachait pas le moins du monde ; même, dans ses moments de bonne humeur, il faisait parade des sanglants sévices exercés par lui de sang-froid sur de malheureux prisonniers sans défense. Ni l’âge ni le sexe ne trouvaient grâce devant lui ; il avait le cœur d’un écorcheur sous les dehors et le parler efféminé d’un gentilhomme.

Maracaïbo, Sainte-Catherine, Carthagène, Porto-Bello, Natal, avaient successivement été pris, brûlés et pillés par lui ; il avait même essayé de surprendre Panama, mais il avait été repoussé après avoir éprouvé des pertes immenses.

L’espoir d’une revanche éclatante lui avait fait accepter avec joie la proposition de Montbarts, bien qu’il ne dût jouer qu’un rôle secondaire en cette circonstance et obéir au lieu de commander l’expédition.

Mais l’implacable Anglais se réservait de s’emparer un jour, et pour son propre compte, de cette ville dont il convoitait ardemment les immenses richesses.

Projet que, du reste, il exécuta deux ans plus tard, c’est-à-dire en 1670 ; s’il consentait à servir cette fois sous les ordres de Montbarts, la raison était tout simplement que les renseignements qu’il se proposait d’obtenir pendant le cours de la campagne lui seraient fort utiles, lorsque plus tard il reviendrait seul recommencer ce hardi coup de main.

Du reste, quels que fussent les projets ultérieurs du célèbre aventurier, il ne pouvait arriver à Saint-Domingue dans des circonstances plus favorables.

L’enrôlement devait commencer le jour même à midi précis, et selon toutes probabilités, le départ de la flotte aurait lieu quelques jours après.

Dix heures sonnaient au moment où les Frères de la Côte entrèrent dans l’hôtel du gouverneur.

M. d’Ogeron les reçut avec cette bienveillante et gracieuse hospitalité dont il possédait le secret ; par son ordre des rafraîchissements furent servis avec