Lorsqu’il vit briller les torches, don Torribio comprit que les assiégeants avaient des communications à lui faire, il débarricada une fenêtre et se tint prêt à répondre.
Arrivé à quelques pas de la porte don Leoncio s’arrêta.
— Parlementaire ! cria-t-il.
Une fenêtre s’ouvrit dans laquelle s’encadra la figure sinistrement narquoise du lieutenant.
— Que voulez-vous ? répondit-il en s’accoudant nonchalamment sur le rebord de la fenêtre.
— Vous offrir de vous rendre, reprit don Leoncio.
— Voyez-vous cela ! répondit l’officier en ricanant : et pourquoi nous offrez-nous de nous rendre ?
— Parce que toute résistance est impossible.
— Vous croyez cela, vous ! Essayez un peu de nous déloger pour voir ce qu’il vous en coûtera, reprit-il, toujours railleur.
— Moins que vous ne le supposez.
— Bah ! je serais curieux de m’en assurer.
— Bref, voulez-vous vous rendre, oui ou non ?
— Allons donc ! on croirait, le diable me caresse, que vous ne savez pas à qui vous avez affaire. Est-ce que nous demandons jamais quartier, nous autres ? Si vous nous prenez, vous nous tuerez, voilà tout, et puis après ?
— Ainsi, vous vous obstinez à ne vouloir écouter aucune proposition ?
— Ma foi ! non, c’est trop ennuyeux, parole d’honneur.
— Et vous êtes résolus à vous défendre quand même ?
— Canarios ! camarade, je le crois, des pieds et des mains. Vous ne nous tenez pas encore, allez !
— C’est vrai, mais nous vous tiendrons bientôt.
— Essayez, compadre, essayez ; en attendant, comme votre conversation n’a rien de bien attrayant pour moi, je prendrai la liberté de la rompre. Bonne chance !
Sur ce, il referma la fenêtre brusquement.
Don Leoncio se tourna vers son frère, qui s’était approché.
— Que vous ai-je prédit ? fit-il en haussant les épaules : m’étais je trompé ?
— Non, j’en conviens ; maintenant l’honneur est sauf : nous pouvons agir en toute sûreté.
Don Gusman se pencha alors sur son frère et lui dit quelques mots à l’oreille ; celui-ci sourit et s’éloigna. Les peones, les arrieros et les carreteros furent embusqués derrière les galeras, de façon à être à l’abri des balles des assiégés, et ils attendirent le signal de l’attaque.
Don Leoncio s’occupait, pendant ce temps-là, à faire amonceler tout autour du rancho des herbes sèches et du bois mort ; lorsqu’il jugea qu’il y en avait assez, il y mit le feu pendant que les hommes qui l’accompagnaient lançaient des torches allumées sur le toit du relais.
Le feu, alimenté par le vent, ne tarda pas à se propager, et bientôt le rancho fut enveloppé d’un épais rideau de flammes.