Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/105

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tés pendant les lunes du printemps les reconnaît encore aux lunes d’hiver. Il n’en est pas de même de l’homme ; il oublie vite, son cœur ne tressaille pas au souvenir d’un ami, et s’il le retrouve après beaucoup de lunes, ses yeux ne le voient pas.

— Que veut dire le chef ? demanda le Canadien étonné de ces paroles qui semblaient impliquer un reproche.

— Le Wacondah est puissant, reprit l’Indien, c’est lui qui dicte les paroles que souffle ma poitrine : le chêne robuste oublie qu’il a été un frêle arbrisseau.

— Expliquez-vous, chef, reprit avec agitation le chasseur, le son de votre voix me cause une émotion singulière, vos traits ne me sont pas inconnus ; parlez, qui êtes-vous ?

Hou-Ohpec[1], dit l’Indien en s’adressant à la jeune femme, vous êtes la cihuatl[2] d’un sachem ; demandez au grand chasseur pâle pourquoi il a oublié son ami, celui qui, dans un temps plus heureux, fut son frère.

— J’obéirai, répondit-elle d’une voix mélodieuse, mais le chef se trompe, le grand chasseur pâle n’a pas oublié le wah-rush-a-menec des Pawnées-Serpents.

— Oh ! s’écria Tranquille avec effusion, seriez-vous en effet le Cerf-Noir, mon frère ? Mon cœur m’avertissait secrètement de votre présence, et quoique vos traits fussent presque sortis de ma mémoire, cependant je m’attendais à retrouver un ami.

  1. L’oiseau qui chante.
  2. Cihuatl, femme, épouse.