Page:Aimard - Les Francs-tireurs, 1866.djvu/62

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Les deux hommes se saluèrent cérémonieusement et s’examinèrent pendant quelques secondes avec la plus grande attention.

Jusqu’à ce moment, ils ne s’étaient pour ainsi dire pas vus : leur entretien de la veille avait eu lieu pendant l’obscurité, puis ils avaient lutté avec acharnement l’un contre l’autre, mais ils n’avaient pas eu le temps de s’apprécier, comme ils le firent alors avec cet infaillible coup d’œil des hommes accoutumés à juger en une seconde les personnes auxquelles ils ont affaire.

Ce fut le Jaguar qui le premier prit la parole.

— Vous excuserez, caballero, dit-il, la rusticité de ma réception : les bannis n’ont d’autres palais que le dôme des forêts qui les abritent.

Le capitaine s’inclina.

— J’étais loin, dit-il, de m’attendre à autant de courtoisie de la part de…

Il s’arrêta n’osant prononcer le mot qui lui venait aux lèvres, dans la crainte de choquer son interlocuteur.

— De la part de bandits, n’est-ce pas, capitaine ? répondit en souriant le Jaguar. Oh ! pas de dénégation, je sais comment on nous nomme à Mexico ; oui, caballero, aujourd’hui nous sommes des bandits hors la loi, des rôdeurs de frontières, des francs tireurs, que sais-je encore ; demain peut-être serons-nous des héros et les sauveurs d’un peuple, ainsi va le monde ; mais laissons cela, vous désiriez me parler, m’a-t-on dit ?

— Vous-même, caballero, n’auriez-vous pas manifesté l’intention de m’entretenir ?

— En effet, capitaine ; du reste je n’ai qu’une