Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/300

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Le Loupeur entra chez un marchand de vins encore ouvert. Il se fit servir une bouteille de vin, un morceau de pain et du veau froid.

Tout en mangeant, il causa avec le marchand de vins, puis il solda sa dépense, sortit et, après avoir descendu la rampe de Passy, il s’engagea sur le Trocadéro.

Il avait aperçu, sur le comptoir du marchand de vins, un couteau à découper, à manche en corne de cerf, dont la lame assez longue était très large et fort pointue.

Il vola le couteau et le cacha sous son bourgeron.

S’il avait demandé à l’acheter, le marchand de vins aurait pu avoir des soupçons, et peut-être il lui aurait fait mauvais parti.

Le Loupeur préféra l’effaroucher, ainsi qu’il se le dit à lui-même, en riant tout seul de ce bon tour.

Maintenant il possédait une arme excellente, avec laquelle, en cas d’attaque, il pouvait se défendre.

Ne craignant plus rien pour son argent, il continua joyeusement son chemin, tout en réfléchissant à ce qui s’était passé entre Felitz Oyandi et lui, et combinant certains plans dans son cerveau pour tirer de l’affaire qu’il avait engagée avec le manchot, tout le parti dont elle était susceptible.

Le quai était désert.

Le Loupeur allait s’engager sur le pont d’Iéna, lorsqu’il lui sembla entendre, à une courte distance derrière lui, le grincement d’un caillou.

Le Loupeur avait l’ouïe fine comme un Peau-Rouge de l’Amérique, il comprit qu’il était suivi.

Il se tint sur ses gardes, sans se retourner et sans presser son pas, déjà rapide, afin de ne pas donner l’éveil à l’individu, quel qu’il fût, qui le poursuivait.

Arrivé à peu près à la moitié du pont, il entendit le bruit d’une course étouffée derrière lui.

Il saisit son couteau et se jeta brusquement de côté, campé sur sa jambe gauche, en allongeant sa jambe droite dans toute sa longueur.