Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/326

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— La mémoire du cœur suffit pour cela, répondit Julian avec émotion ; on fait ce que l’on peut pour prouver à ses amis que l’on n’oublie rien, ajouta-t-il avec intention.

L’haciendero sourit et se hâta de changer de conversation.

Il redoutait surtout des allusions, si voilées qu’elles fussent, de la part des amis qu’il aimait tant et qui lui devaient leur bonheur.

Vers la fin du dîner, don Cristoval dit tout à coup :

— À propos, vous vous souvenez sans doute du Mayor ?

— Certes, répondit Julian.

— Nous avons de bonnes raisons pour cela, ajouta Bernard.

— Serait-il ressuscité ? demanda le docteur en riant.

— Précisément, reprit don Cristoval. Tout le monde le croyait mort ; eh bien, pas du tout : cette fois encore il avait échappé, par la protection du Diable sans doute.

— Cela est évident, dit Bernard en riant ; ils ont fait un pacte ensemble. Mais le Diable sera volé, le Mayor est plus fin que lui.

— Pendant près d’un an on n’entendit pas parler de lui, puis tout à coup il reprit ses brigandages ; il a disparu de nouveau depuis six mois, cette fois définitivement, assure-t-on. Il paraît, du moins tel est le bruit qui court, il paraît, dis-je, qu’il est très riche ; par exemple, j’ignore quel est le malheureux qui a fait les frais de cette fortune mal acquise ; quant à ce hideux coquin de Felitz Oyandi, que vous avez arrêté vous-même à la Florida, le jour de votre mariage, vous en souvenez-vous ?

— Parfaitement, dit Julian.

— Quant à celui-là il doit être mort, ajouta Bernard.

— Pas le moins du monde, il est très vivant, au contraire, il a, on ne sait comment, réussi à s’échapper la veille même du jour où il devait être fusillé. On ne sait pas ce qu’il est devenu ; où diable peuvent être passés ces deux affreux bandits ?