Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/365

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veuillez en même temps recevoir toutes mes excuses pour la maussade promenade que j’ai été contraint de vous obliger à faire.

— Vous ne me devez aucunes excuses, monsieur Fillmore, bien au contraire, car grâce à cette courte promenade, j’ai constaté avec joie vos habitudes de prudence, répondit Julian avec un sourire de bonne humeur.

— La prudence est plus que jamais à l’ordre du jour, monsieur d’Hérigoyen. Nous vivons sous un prince très ennemi de la fraude, qui s’est entouré de chenapans comme lui, et a élevé l’espionnage à la hauteur d’une institution : si cela continue, la moitié de la France espionnera l’autre ; les mouchards semblent sortir de dessous chaque pavé. C’est un beau travail ! Jamais gouvernement n’a aussi carrément protégé les voleurs aux dépens des honnêtes gens.

— Hum ! ce que vous me dites là n’est pas rassurant, cher M. Fillmore, dit Julian en riant.

— Que voulez-vous ? la police tout entière est occupée à surveiller les honnêtes gens qui trouvent que tout n’est pas pour le mieux dans cette saturnale impériale, digne des plus mauvais temps du Bas-Empire, aussi les coquins pullulent et s’en donnent à cœur joie, puisqu’on leur laisse la bride sur le cou.

— Vous êtes depuis longtemps à Paris ?

— J’y suis arrivé précisément le jour même de l’enterrement de Victor Noir, si lâchement assassiné, comme vous le savez, par le prince Pierre Bonaparte ; depuis lors j’ai bien souvent regretté nos savanes de l’Ouest lointain : au moins là, sauf les jaguars, les ours gris, les Peaux-Rouges et les civicos, on pouvait vivre à peu près tranquille ; mais ici il n’y faut pas songer. La forêt parisienne, je le sais maintenant par expérience, est bien autrement dangereuse que les prairies américaines, toutes peuplées de fauves ; au moins, là-bas, nous avions le juge Lynch, pour nous rattraper un peu !

— Allons, je vois que vous avez conservé votre charmant esprit du temps où vous étiez Navaja.