Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/390

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m’empêcher de tressaillir. Un sourire hautain, presque méprisant entr’ouvrit ses lèvres ; et de son pas de statue, elle alla s’asseoir sur une espèce de trépied assez haut, placé devant une table en chêne, de forme ancienne, sur laquelle se trouvaient des tarots et plusieurs petits sacs renfermant des graines, ainsi que je l’appris bientôt ; alors elle se tourna à demi vers moi :

» — Que voulez-vous savoir ? me dit-elle d’une voix harmonieuse, mais avec un accent glacial : le passé, le présent ou l’avenir.

» — L’avenir, répondis-je.

» — Les trois se tiennent, me répondit-elle. Pour vous dire l’avenir, il me faudra fouiller dans le passé et le présent.

» — Ceci vous regarde, répondis-je ; moi, je ne veux que l’avenir.

» — Soit, reprit-elle, vous aurez le grand jeu ; mettez un louis dans cette coupe.

» Et elle me désigna une coupe en agate, montée sur un pied en bronze et placée près de moi sur la table.

» — Voici deux louis, repris-je en prenant deux louis dans mon porte-monnaie et les laissant tomber dans la coupe.

— Caraï ! dit le Mayor, voila une sorcière selon mon cœur ; on dirait la Pythonisse d’Endor.

Le Mayor était empoigné malgré lui, — qu’on nous passe cette expression, — il raillait pour dissimuler son émotion.

— Pendant que je cherchais mon argent, elle avait pris un jeu de tarots, dont elle disposait nonchalamment les cartes, continua Felitz Oyandi. Tout à coup elle brouilla les cartes d’un revers de main, et, se tournant vers moi :

» — Reprenez ces deux louis, me dit-elle ; il y a du sang dessus, je ne saurais les prendre.

» Je voulus me récrier, elle m’imposa silence d’un geste.

» — N’insistez pas, reprit-elle avec hauteur, et surtout