Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/42

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m’informai de l’endroit où il s’était retiré ; on m’apprit qu’il habitait une terme située non loin d’Arzew, dont il avait fait obtenir la concession à un ancien matelot nommé Sebastian, qui avait longtemps servi sa famille.

— Comment, interrompit Julian, il serait possible ? Ce Sebastian serait donc ?…

— Votre prisonnier ; oui, monsieur.

— C’est étrange.

— Non pas, c’est logique, au contraire : ne vous ai-je pas dit qu’un lien mystérieux attachait ces deux hommes l’un à l’autre : un crime peut-être.

— C’est malheureusement probable. Continuez, monsieur, je vous prie.

— Je me rendis à cette ferme. Le colonel et Sebastian étaient partis depuis deux jours, me dit-on avec un visible embarras, pour chasser la panthère, on ne savait dans quel douar ; dans tous les cas, on ne pouvait me préciser la date de leur retour. Je me retirai assez décontenancé et sans laisser mon nom, malgré l’insistance de l’individu qui m’avait reçu. Un mois plus tard, son congé étant expiré, le colonel reprit le commandement de son régiment, mais il n’était pas reconnaissable. Il était maigre, pâle, avait les traits tirés comme s’il fût relevé d’une grave maladie. Son humeur était changée ; il était sombre, inquiet, nerveux, tressaillait au moindre bruit insolite, tremblait et semblait près de s’évanouir quand il recevait une visite à laquelle il ne s’attendait pas. Bref, ce n’était plus le même homme. Il était plongé dans une inexplicable apathie, ne s’intéressait à rien, et la plupart du temps n’entendait pas ce qui se disait. Cependant, peu à peu cette irritation nerveuse, que personne ne savait à quoi attribuer, commençait à se calmer. Il devenait plus communicatif et le sourire reparaissait sur ses lèvres, lorsqu’un matin, un peu après le rapport, Sebastian arriva. Il était en sueur, son cheval se soutenait à peine ; tout faisait deviner qu’il avait fait une longue course à franc étrier. Le colonel pâlit en l’apercevant. Il l’entraîna dans sa tente, où ils restèrent seuls ; d’autres officiers et