Page:Aimard - Les Peaux-Rouges de Paris II.djvu/436

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porte quel prétexte plus ou moins plausible, et je le croyais.

— Oui, cela est ainsi, on croit tout de celui qu’on aime, dit la comtesse avec un soupir douloureux

— Mon mari, à son arrivée dans la grotte, me reçut avec la joie la plus vive ; il me croyait morte, et il me pleurait. Mais, cette fois, quelles que fussent les précautions qu’il prit pour me donner le change, cela lui lut impossible ; d’ailleurs, son ami, celui-là même qui m’avait sauvée, un être hideux, repoussant, dont l’âme est encore plus affreuse que le corps, me révéla en riant l’effroyable vérité.

» J’avais épousé, moi, pure et chaste jeune fille, un des bandits les plus redoutables des Savanes américaines, dont les atrocités m’avaient maintes fois fait tressaillir d’horreur, lorsque, devant moi, je les avais, par hasard, entendu raconter. Enfin, sachez, madame, je l’avoue à ma honte, que j’étais la femme du Mayor, ce monstre sans pitié, dont…

— Le Mayor ! s’écria la comtesse avec douleur ; oh ! mon Dieu ! mon Dieu !

— Oui, le Mayor ! Son exécrable réputation est venue jusqu’à vous, madame ; peut-être l’avez-vous vu ?…

— Je l’ai entrevu une fois, dit machinalement la comtesse.

— Eh bien ! cet homme m’aimait ; et, malgré son amour, il avait trompé mon père, il m’avait menti, à moi ! Son ami, son complice, dans quel but, je l’ignore, ou plutôt je veux l’ignorer, m’avoua tout. Ce misérable n’était pas Espagnol, il était Français : marié en France, il avait assassiné lâchement sa femme et s’était fait passer pour mort ; il m’avait épousée sous un faux nom et une fausse nationalité, de sorte que je n’étais même pas sa femme, mais seulement sa maîtresse.

» Mon amour, si violent qu’il fût, ne résista pas à cette honte ; il fit place à une haine plus violente encore ! Je remerciai Dieu d’avoir perdu ma fille ; je voulus fuir, il m’en empêche.

» Que vous dirai-je, madame ? Pendant six ans, ma vie