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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

un jour en plein conseil, à la suite d’une discussion assez vive, il se laissa emporter par la rage, et se précipitant sur le malheureux vieillard, il le poignarda devant tous les anciens de sa tribu avant que les assistants pussent s’opposer à l’exécution de son dessein.

Le meurtre du sorcier mit le comble à l’horreur qu’inspirait ce misérable ; séance tenante, les chefs le chassèrent du territoire de la nation, lui refusant le feu et l’eau et le menaçant des plus grands châtiments s’il osait se représenter devant eux.

Le Visage-de-Singe, trop faible pour résister à l’exécution de cette sentence, s’éloigna la rage dans le cœur et en proférant les plus horribles menaces.

Nous avons vu de quelle façon il s’était vengé en vendant le territoire de sa tribu aux Américains et en causant ainsi la ruine de ceux qui l’avaient banni. Mais à peine avait-il obtenu cette vengeance qu’il avait si longtemps poursuivie, qu’une révolution étrange s’était opérée dans le cœur de cet homme. La vue de cette terre où il était né et où reposaient les cendres de ses pères, avait réveillé en lui avec une force extrême le sentiment de la patrie qu’il croyait mort et qui n’était qu’endormi au fond de son cœur.

La honte de l’odieuse action qu’il avait commise en livrant aux ennemis de sa race les territoires de chasse que lui-même avait si longtemps parcourus en liberté, l’acharnement avec lequel les Américains s’occupaient à changer l’aspect de ce pays et à détruire ces arbres séculaires, dont l’ombrage avait si longtemps abrité les conseils de sa nation, toutes ces raisons réunies l’avaient fait rentrer en lui-même,