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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

Elle redressa vivement la tête.

— Vous êtes injuste à mon égard, répondit-elle avec une animation fébrile ; injuste et méchant. Pourquoi désirerais-je votre éloignement, moi ? Jamais vous ne m’avez fait de mal ; au contraire, toujours je vous ai trouvé prêt à me défendre ; aujourd’hui même encore, vous n’avez pas hésité à me soustraire aux mauvais traitements des misérables qui m’insultaient.

— Ah ! vous en convenez ?

— Pourquoi n’en conviendrais-je pas, puisque c’est vrai ? Me croyez-vous donc ingrate ?

— Non, Carmela ; seulement vous êtes femme, fit-il avec amertume.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, je ne veux pas le comprendre. Seule ici, quand mon père, ou Quoniam, ou tout autre vous accuse, je prends votre défense. Est-ce ma faute, à moi, si, par votre caractère et la vie mystérieuse que vous menez, vous vous êtes mis en dehors de l’existence commune ? Suis-je responsable du silence que vous vous obstinez à garder sur tout ce qui vous touche personnellement ? Vous connaissez mon père, vous savez combien il est bon, franc et brave ; bien des fois il a cherché par des voies détournées à vous amener à une explication loyale, toujours vous avez repoussé ses avances. Ne vous en prenez donc qu’à vous-même de l’isolement général dans lequel on vous laisse, et de la solitude qui se fait autour de vous, et n’adressez pas de reproches à la seule personne qui jusqu’à présent a osé vous soutenir envers et contre tous.

— C’est vrai, répondit-il avec amertume, je suis