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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Vous croyez, mon père ? s’écria-t-elle en joignant les mains avec terreur.

— C’est probable, répondit paisiblement le Canadien, mais rassure-toi, mon enfant, ajouta-t-il avec bonté ; quoique tu aies peut-être trop tardé à me parler, peut-être parviendrai-je à détourner le danger qui plane en ce moment sur la tête de l’homme auquel tu portes tant d’intérêt.

— Oh ! faites cela, mon père, je vous en supplie.

— Je tâcherai du moins, mon enfant, voilà tout ce que je puis te promettre quant à présent ; mais toi, que vas-tu faire ?

— Moi ?

— Oui, pendant que mes compagnons et moi nous essayerons de sauver le capitaine ?

— Je vous suivrai, mon père, si vous me le permettez.

— Soit, d’autant plus que c’est, je crois, le plus prudent ; tu as donc une grande affection pour le capitaine, que tu désires si ardemment le sauver ?

— Moi, mon père ? répondit-elle avec la plus entière franchise, pas la moindre, seulement il me semble qu’il serait affreux de laisser tuer un brave officier quand on peut le sauver.

— Alors tu hais le Jaguar, sans nul doute ?

— Pas le moins du monde, mon père : malgré son caractère exalté, il me paraît être un noble cœur, d’autant plus que vous l’estimez vous-même, ce qui pour moi est la raison la plus forte ; seulement je souffre de voir opposés l’un à l’autre deux hommes qui, j’en suis convaincue, s’ils se connaissaient, s’aimeraient bientôt, et je ne voudrais pas qu’il y eût entre eux du sang versé.