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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

le hibou fit entendre son cri matinal, précurseur du lever du soleil.

— Mon Dieu ! murmura la jeune fille avec angoisse, arriverons-nous à temps ?


XXI

LE JAGUAR.


Le Jaguar avait quitté la Venta del Potrero en proie à une agitation extrême ; les paroles de la jeune fille bruissaient à son oreille avec un accent moqueur et ironique ; le dernier regard qu’elle lui avait lancé le poursuivait comme un remords : le jeune homme s’en voulait d’avoir aussi brusquement rompu son entretien avec doña Carmela, il était mécontent de la façon dont il avait répondu à ses prières, bref, il était dans les meilleures dispositions possibles pour commettre un de ces actes de cruauté auxquels la violence de son caractère ne l’avait que trop souvent entraîné, qui avaient infligé à sa réputation un honteux stigmate, actes qu’il regrettait toujours amèrement d’avoir commis, lorsqu’il était trop tard.

Il courait à fond de train à travers la prairie, ensanglantant les flancs de son cheval qui se cabrait de douleur, proférant des malédictions étouffées, et jetant autour de lui des regards farouches d’une bête fauve en quête d’une proie.

Un instant il avait eu la pensée de retourner sur ses pas, de revenir à la venta, de se jeter aux genoux de la jeune fille, de réparer, en un mot, la