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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

respectables : ce fut le plan que le Jaguar inaugura contre les Mexicains, qu’il énerva ainsi dans cette fièvre de l’attente et de l’inconnu, la plus redoutable de toutes les maladies pour les forts.

Aussi le Jaguar et les cinquante ou soixante cavaliers qu’il commandait étaient-ils plus redoutés du gouvernement mexicain que toutes les autres forces réunies des insurgés.

Un prestige inouï s’attachait donc au chef redoutable de ces hommes insaisissables, une crainte superstitieuse les précédait et leur approche seule mettait le désordre parmi les troupes envoyées pour les combattre.

Le Jaguar profitait habilement de ses avantages pour tenter les expéditions les plus hasardeuses et les coups de mains les plus téméraires ; celui qu’il méditait en ce moment était un des plus hardis qu’il eût conçus jusqu’alors : il ne s’agissait de rien moins que d’enlever la conducta de plata et de faire prisonnier le capitaine Melendez, officier qu’il considérait à juste titre comme un de ses plus redoutables adversaires et avec lequel, pour cela même, il brûlait de se mesurer, comprenant s’il réussissait à le vaincre l’éclat que répandrait cette action audacieuse sur l’insurrection et les partisans qu’elle lui attirerait immédiatement.

Après avoir laissé derrière lui John Davis, le Jaguar s’était rapidement avancé vers une épaisse forêt qui dessinait à l’horizon ses sombres contours et dans laquelle il se proposait de camper pour la nuit, car il ne pouvait atteindre la baranca del Gigante que le lendemain assez tard. Du reste, il voulait rester à proximité des deux hommes qu’il