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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

— Ce sera comme il vous plaira, capitaine ; vous avez la force, sinon le droit, de votre côté, je suis contraint de me conformer à vos volontés.

— Très-bien, maintenant vous pouvez dormir si bon vous semble.

— Ainsi vous n’avez plus rien à me dire ?

— Rien.

— Je vais donc profiter de la permission que vous voulez bien m’accorder pour tâcher de rattraper le temps perdu.

Alors le soldat se leva en étouffant un long bâillement, s’éloigna de quelques pas, s’étendit sur le sol, ferma les yeux et parut, au bout de quelques minutes, plongé dans un profond sommeil.

Le capitaine continua à veiller. La conversation qu’il avait eue avec le guide n’avait fait qu’augmenter ses inquiétudes, en lui prouvant que cet homme cachait une grande finesse sous une forme abrupte et triviale. En effet, il n’avait répondu à aucune des questions qui lui avaient été adressées et était parvenu, au bout de quelques instants, à obliger le capitaine à quitter l’attaque pour la défense, en lui donnant des raisons d’une logique spécieuse contre lesquelles l’officier n’avait pu rien objecter.

Don Juan était donc en ce moment dans la pire disposition d’esprit où se puisse rencontrer un homme de cœur mécontent de soi-même et des autres, intimement convaincu qu’il avait raison, mais forcé, en quelque sorte, de reconnaître qu’il avait tort.

Les soldats, ainsi que cela arrive toujours en pareille circonstance, reçurent le contre-coup de la mauvaise humeur de leur chef ; car l’officier, re-