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LES RODEURS DE FRONTIÈRES

accidentée, couverte d’une herbe haute, parsemée çà et là de rares bouquets de chênes acajous et d’arbres du Pérou.

Mais tout à coup il se redressa sur ses étriers, plaça sa main droite en abat-jour sur ses yeux et regarda attentivement.

À un demi-mille environ de l’endroit où il était arrêté, un peu sur la droite, c’est-à-dire, juste dans la direction qu’il se préparait à suivre lui-même, il apercevait une mince colonne de fumée qu’il s’élevait du milieu d’un fourré de lentisques et d’aloès mêlés à quelques mezquites.

Au désert une fumée aperçue sur sa route donne toujours ample matière à réflexion.

Une fumée s’élève ordinairement d’un feu autour duquel sont assis plusieurs individus.

Or l’homme, plus malheureux en cela que les bêtes féroces, redoute surtout dans la prairie la rencontre de son semblable, car il y a cent à parier contre un que l’individu qu’il verra sera un ennemi.

Cependant John Davis, après mûre réflexion, se décida à pousser vers le feu ; depuis le matin il était à peu près à jeun, la faim commençait à le talonner, en sus il éprouvait une grande fatigue ; il visita donc ses armes avec la plus scrupuleuse attention afin de pouvoir recourir à elles s’il le fallait, et, enfonçant l’éperon dans le ventre de son cheval, il poussa résolument droit sur la fumée, tout en surveillant avec soin les environs de crainte de surprise.

Au bout de dix minutes il atteignit le but de sa course, mais à une cinquantaine de pas du bouquet d’arbres il ralentit l’allure de son cheval, replaça son rifle en travers sur le devant de la selle ; son visage