Page:Aimard - Les Trappeurs de l’Arkansas, 1858.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’hacendero ne répondit pas ; en voyant la douleur de sa femme un remords lui tordit le cœur dans la poitrine, il se demanda mentalement s’il avait réellement le droit d’agir comme il l’avait fait.

Doña Jesusita attendait vainement une réponse. Don Ramon regardait sa femme ; il avait peur en apercevant les sillons indélébiles que le chagrin avait creusés sur ce visage si calme, si tranquille quelques heures à peine auparavant.

La noble femme était livide ; ses traits tirés avaient une rigidité inouïe ; ses yeux brûlés de fièvre étaient rouges et secs, deux lignes noires et profondes les rendaient caves et hagards ; une large tache marbrait ses joues, trace de larmes dont la source était tarie ; elle ne pouvait plus pleurer, sa voix était rauque et saccadée, sa poitrine oppressée se soulevait douloureusement pour laisser échapper une respiration haletante.

Après avoir attendu pendant quelques secondes une réponse à sa demande :

— Don Ramon, reprit-elle, qu’avez-vous fait de mon fils ?

L’hacendero détourna la tête avec embarras.

— Oh ! vous l’avez tué ! fit-elle avec un cri déchirant.

— Non !…, répondit-il effrayé de cette douleur, et pour la première fois de sa vie forcé de reconnaître le pouvoir de la mère qui demande compte de son enfant.