Page:Aimard - Les rois de l'océan, 2 (Vent-en-panne).djvu/136

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on aurait dit qu’il craignait et désirait à la fois de se rendre à l’endroit où il était appelé.

Il prit la lettre qu’il avait cachée dans sa poitrine et la relut, mais cette fois en s’arrêtant sur tous les mots, en pesant pour ainsi dire chaque phrase ; évidemment il cherchait à comprendre, non pas le sens de ces phrases, mais la signification mystérieuse qu’elles pouvaient renfermer et que l’on avait essayé de noyer dans des nuages d’équivoques.

Après avoir lu et relu cette lettre à plusieurs reprises, en hochant la tête, il la replia soigneusement et la replaça de nouveau sur sa poitrine.

Il se leva alors, et pendant quelques minutes, se promena de long en large dans la chambre avec une agitation fébrile, dénotant une grave préoccupation d’esprit ; enfin son hésitation sembla cesser, il prit brusquement son zarapé, le jeta sur son épaule, ouvrit la porte de sa chambre en murmurant à demi-voix ces quelques mots :

— À la grâce de Dieu !

Et il sortit.

Mais à peine fut-il dehors, il se redressa, son pas devint assuré, son visage impassible ; toute trace de préoccupation sembla s’être subitement effacée de son esprit.

Il était sept heures du matin ; les maisons commençaient à s’ouvrir ; les esclaves échangeaient entre eux des lazzis et de gais propos en balayant et nettoyant le devant des portes ; les aquadores commençaient leur promenade à travers la ville, les marchands de fruits et de légumes criaient leurs marchandises, en un mot la Vera-Cruz s’éveillait ; la vie et le mouvement rentraient dans la ville.

L’Olonnais tout en marchant d’un pas dégagé, sa cigarette à la bouche, était fort embarrassé, il ignorait complétement où était situé l’endroit où il se rendait.

Il s’approcha d’un esclave à mine réjouie, qui, les deux mains appuyées sur le manche de son balai, re-